Le photographe industriel
La commande
Dès le début du XXème siècle, la photographie remplace progressivement le dessin dans les publications et les grandes entreprises comprennent très vite que ces nouvelles images sont un outil particulièrement efficace pour communiquer et vendre. Plaquettes, revues professionnelles, cartes postales, affiches… tout est bon pour mettre en valeur les produits ou les savoir-faire. De la même façon que les artistes ont toujours vécu de commandes, les photographes, face au déclin de leur activité de portraitiste, n’hésitent pas à répondre aux nombreuses demandes d’illustrations pour vivre et assurer leur quotidien.
Aucun sujet ne rebute Jean Pasquero prêt à répondre à toutes les demandes, mais l’un de ses principaux objectifs est la satisfaction du commanditaire. Il faut « avoir un sens averti du goût et des besoins de la clientèle » souligne Jean Pasquero et l’appareil photographique, tout particulièrement, doit remplir sa mission de fidélité à l’objet représenté. Pour ce faire, la netteté et la bonne visibilité du sujet sont indispensables.
A un moment où les surréalistes se livrent à des expérimentations les plus diverses, où les défenseurs de la photographie pure imaginent une nouvelle vision, le respect du sujet reste pour Pasquero le premier commandement. C’est ainsi qu’il livre à nos yeux de contemporains tout un ensemble de constats précieux qui viennent enrichir notre mémoire collective.
Dans l'exposition, ce travail de commande est divisé en 4 sections thématiques brossant le portrait d'une ville en continuelle évolution :
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L'architecture
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Les commerces et services
Précieux témoignage de l’activité économique, le fonds de l'atelier Pasquero nous invite à découvrir les décors des devantures lilloises, de la simple boutique aux grands magasins de nouveautés. De style post-haussmannien et art nouveau principalement, ces commerces sont installés majoritairement dans le centre-ville.
Ces photographies de commande ont pour fonction de faire valoir la réussite sociale du commerçant, la mise en valeur du site dans un but publicitaire, ou sont réalisées à titre documentaire.
Au début du XXe siècle, avec l’amélioration des procédés photomécaniques, les photographies ont remplacé progressivement les dessins et gravures reproduits dans les nombreuses annonces publicitaires publiées dans les revues et journaux locaux.
Cet important fonds photographique - composé de reportages sur les petits commerces ainsi que de campagnes publicitaires de plus grande ampleur prises par Jean Pasquero - témoigne de l'apogée de cette activité à partir de la reconstruction d'entre-deux-guerres. Ce travail a été prolongé par son fils René jusqu'aux Trente Glorieuses avec ses nombreuses vues de foires et de salons commerciaux
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Les oeuvres sociales
Dans un contexte industriel riche mais très inégalitaire, la ville fait la commande d’une documentation photographique sur ses infrastructures sociales, à destination première des classes ouvrières.
Loin de privilégier une approche matérielle, Jean Pasquero met en avant la vie de ces lieux. Ainsi, il présente une vision animée des structures sociales à destination des plus défavorisés. On y retrouve par exemple les fourneaux économiques où les nécessiteux bénéficient d’un repas chaud en échange d’un jeton et un asile de nuit, qui fonctionne tel un foyer d’hébergement d’urgence.
La crèche municipale de Lille est également photographiée. Ce lieu est principalement fréquenté par les ouvrières car les femmes de cette classe sociale doivent travailler et ne peuvent donc pas s’occuper de leurs enfants en bas âge.
Dans ce travail, on retrouve le regard des premières photographies de Jean Pasquero, sans voyeurisme ni mise en scène. À cette commande institutionnelle, s’ajoutent les commandes privées d’industriels soucieux du bien-être de leurs ouvriers.
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L'industrie
Entre 1922 et 1927, la revue spécialisée Le photographe encourage les artisans photographes à se lancer dans la photographie industrielle. Peu d'entre eux opèrent cette reconversion.
Jean Pasquero, quant à lui, est déjà actif sur le terrain dès 1909 comme le témoigne une vue des derniers filtiers travaillant dans une cave à Lille, ou ses vues d’arcs électriques prises en 1914. Il perçoit très vite l’intérêt de la photographie pour l’industrie et la grande qualité de ses tirages attire une clientèle locale diversifiée. Son atelier connaît son apogée dans la période de l’entre-deux-guerres avec la reconstruction et la croissance industrielle. Il couvre notamment la construction des Grands Moulins de Paris de 1920 à 1922 ou encore les travaux de réfection de la Cotonnière de Fives. Certaines de ces images illustrent les articles publiés dans des parutions : le Nord industriel, la reconstruction dans le Nord ou bien encore le Nord illustré. Les nombreuses photographies de produits et d’installations sont reproduites dans les catalogues de vente. D’autres sont exposées dans les stands des industriels lors des foires commerciales telle la vue d’un gazomètre des constructeurs Wauquier et Cie.
Les archives photographiques du fonds Pasquero illustrent le riche tissu industriel de Lille et la région, particulièrement propice à l'essor de la photographie industrielle.
Jean Pasquero - Les Grands Moulins de Paris, Anciennement La Meunerie Lilloise, Marquette-lez-Lille, 1927
Jean Pasquero - Devanture du grand magasin Félix Potin, Lille, angle de la rue Esquermoise et de la rue Nationale, 1927
René Pasquero - Façade illuminée du Printemps, Lille, 39 rue Nationale, 1963
Jean Pasquero - Cuisine de l'asile de nuit, Lille, rue de l'Arbrisseau, 1913
Chambre pliante E. Lorillon 30 x 40, avec ses accessoires, 1910
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